La stérilité
Les expériences qui ont été poursuivies depuis la fin du tournage par le laboratoire LABÉO Frank Duncombe via la chercheuse Maryline Houssin ont été sans appel. Les huîtres triploïdes ne sont en aucun cas stériles et peuvent émettre des spermatozoïdes ou des ovules, ce qui n’avait jusqu’alors jamais été observé par les laboratoires de l’Ifremer ou plus vraisemblablement jamais été divulgué. Des fécondations entre huîtres triploïdes ont également été tentées, elles ont curieusement réussi.
Toutes ces expériences apparaissent comme inquiétantes car elles montrent qu’il y a bel et bien un risque de pollution génétique du milieu naturel. Ces expériences, réalisées par un laboratoire public, sous l’impulsion du comité régional de la conchyliculture de Normandie, ont été facilement réalisables. Il est plus que probable que Ifremer, à la source des huîtres triploïdes en France, les ait déjà réalisées et ait gardé ces résultats pour eux.
Pourquoi ?
Il semble logique que si ces résultats avaient été publiés dès le début du développement des huîtres triploïdes en milieu ouvert, tout aurait été très vite arrêté, vu les risques réels que faisaient courir ces produits modifiés à l’environnement et à la filière de la conchyliculture toute entière.
De ces négligences coupables, Ifremer fait payer le prix fort à la profession ostréicole, qui vit en permanence avec l’épée de Damoclès au-dessus de la tête, ne sachant en aucun cas comment évoluera la situation sanitaire dans l’ostréiculture.
La mortalité
Aujourd’hui, les mortalités restent élevées. Les ostréiculteurs ont compensé en multipliant le nombre de naissain aussi bien naturel que d’origine d’écloserie sur leurs parcs afin d’augmenter les survivantes. La situation reste particulièrement inquiétante car les stocks d’huîtres sont certes revenus à des niveaux élevés mais les mortalités sont toujours extrêmement présentes. L’avenir de la profession reste très préoccupant, elle ne sait jamais à quoi ressemblera la saison prochaine. Est-ce que les mortalités frapperont moins fort ? Ou au contraire seront-elles accrues, voire dramatiques comme dans les années 70 où elles avaient eu raison de l’espèce élevée, la crassostrea Angulata ?
Ce qui est alarmant aujourd’hui, c’est qu’avec énormément d’animaux mis en élevage sur les parcs pour compenser les pertes et des conditions climatiques déficitaires en eau douce, la biomasse de nutriments disponibles n’est, sur de nombreux endroits du littoral, plus assez importante et la croissance des huîtres est ralentie.
Le problème est que, pour compenser cette perte de croissance, de nombreux ostréiculteurs en viennent à faire appel de nouveau aux huîtres triploïdes qui ont la spécificité d’avoir un taux de croissance plus élevé que les huîtres naturelles. On se retrouve à nouveau pris au piège d’un cercle vicieux qui pousse chacun à vouloir compenser le manque de croissance en surchargeant les parcs ou en faisant appel aux triploïdes, ce qui aggrave d’autant plus le problème. Cette situation a des similitudes avec celle vécue juste avant la crise des mortalités de 2008, à ceci près que les mortalités sont en 2018 déjà beaucoup plus intenses.
L' étiquetage
À ce jour, toujours aucun étiquetage obligatoire indiquant l’origine des huîtres n’a été mis en place. Le consommateur peut uniquement se repérer grâce aux étiquetages volontaires comme ceux de l’association des ostréiculteurs traditionnels, qui garantit une huître née en mer. Le label « bio » existe mais il autorise la labélisation des huîtres diploïdes d’écloserie, il représente peu d’intérêt pour les ostréiculteurs traditionnels car il est source de confusion pour le consommateur. En pensant acheter un produit d’origine naturel il pourra avoir un produit né en écloserie qui est un milieu fermé et dirigé.
IFREMER
Ifremer nous apparait comme traumatisé suite à la crise ostréicole impliquant les triploïdes. Ils apparaissent à la vue de tous incapables de mener une expertise objective sur l’impact des animaux d’écloserie dans le milieu naturel vu leur implication dans le développement de cette biotechnologie, ils se retrouvent aujourd’hui tétanisés. Ce prestigieux institut qui, par essence, devrait accepter la confrontation d’idées et l’ouverture à la collaboration avec la communauté scientifique, se recroqueville sur lui-même alors que la collaboration avec les conchyliculteurs devrait être une priorité afin de tendre à comprendre les problématiques qui touchent les élevages et les gisements naturels. Ifremer, quant à lui, fuit ses responsabilités en se réfugiant dans la recherche fondamentale. Cette recherche est certes utile mais, aujourd’hui, est utilisée comme prétexte pour ne pas avoir à affronter la crise qui couve au sein de l’Ifremer.
Cet isolement ne pourra sans doute rien résoudre. Ifremer devrait avoir le courage et l’énergie pour opérer une mutation et scinder, une bonne fois pour toutes, son activité en deux, en créant peut-être deux structures autonomes : la recherche fondamentale et appliquée d’un côté et l’expertise de l’autre. La recherche permettrait ainsi une collaboration étroite avec les professionnels et le milieu économique. Une structure indépendante d’expertise serait libre de tout lien avec des corporations tel que les écloseurs ou même les professionnels de l’ostréiculture. Cette structure pourrait ainsi donner un avis d’expert souverain et impartial.