Les huîtres bio, ça existe ?
La labellisation « produit biologique » ne garantit en aucun cas des huîtres nées en mer. Les huîtres dites « Bio » peuvent aussi bien provenir d’écloserie que du milieu naturel. Cependant, elles ne peuvent pas être triploïdes. Il apparaît dommageable que la labellisation biologique ne soit pas réservée exclusivement aux huîtres provenant de naissain né en mer, puisque cela garantirait alors réellement aux consommateurs un repère clair sur le produit qu’ils consomment. Ce label constitue une première étape puisqu’il exclut bel et bien les huîtres triploïdes, mais tout en laissant la porte ouverte aux huîtres ultras sélectionnées d’écloserie. Avec une huître bio d’écloserie, on reste loin des valeurs de naturalité et de respect de l’environnement prônées par les militants de l’agriculture biologique.
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Si les écloseries produisent essentiellement des triploïdes, elles sont aussi capables de commercialiser des huîtres diploïdes. Ces huîtres sont issues de programmes de sélection, dont les souches proviennent d’huîtres naturelles. Elles ont donc 20 chromosomes, répartis en 10 paires. Toutefois, si le nombre de chromosomes est normal, ces huîtres posent aussi question.
La première raison pour laquelle les ostréiculteurs traditionnels refusent aussi bien les huîtres triploïdes que diploïdes d’écloserie est le non-respect de la saisonnalité. Dans le cycle naturel de l’huître, la reproduction a lieu une fois par an, en été. Selon les années, la récolte peut aller de très bonne à très mauvaise. L’ostréiculture a longtemps fonctionné de cette façon, mais l’arrivée des écloseries a bouleversé cet équilibre. Une écloserie produit du naissain toute l’année et en quantité illimitée.
Comme dans le cas du naissain triploïde, l’élevage de naissain diploïde en écloserie échappe à tout contrôle sanitaire et les mêmes traitements à base d’antibiotiques sont utilisés. Pour les ostréiculteurs traditionnels, le problème est le même: l’arrivée massive dans les parcs en mer d’huîtres ayant subi un parcours d’élevage artificiel draconien (température constante, phytoplancton de culture, tri des larves, antibiotiques et agents actifs) pose la question de l’aptitude de ces produits à affronter le milieu naturel.
Comment reconnaître une triploïde ?
Il est difficile de donner une méthode infaillible pour reconnaître une huître triploïde… à moins de faire analyser sa bourriche d’huîtres par un laboratoire spécialisé, mais la douzaine risque de devenir chère!
La triploïde peut avoir la spécificité de posséder un bec qui remonte vers le haut au niveau de sa charnière (voir photo ci-dessous).
On peut parler du “bec de la triplo”. Mais les écloseurs sont parvenus, à force de sélection, à gommer cette particularité. Il est cependant fort probable que si vous retrouvez cette forme caractéristique sur presque l’ensemble de votre douzaine, alors vous soyez en présence d’huîtres triploïdes. Néanmoins, ne vous alarmez pas si vous retrouvez quelques huîtres possédant le bec dans votre bourriche, c’est un trait qu’il est possible de retrouver chez les huîtres nées en mer.
Une autre technique consiste à déceler la trace du collecteur sur la charnière de l’huître. Lorsque la coquille de la petite huître naturelle se développe, elle garde parfois la marque du support sur lequel elle a commencé à se développer (voir photo ci-dessous).
Cette trace n’apparaît pas sur les huîtres d’écloserie car elles sont captées sur des paillettes de calcaire, ce qui ne laisse aucune trace sur la coquille. Cette astuce pour différencier huîtres d’écloserie et huîtres naturelles n’est toutefois pas infaillible, car les traces de capteur n’apparaissent pas systématiquement sur les huîtres captées en mer. Enfin, reconnaître ces marques demande un peu d’habitude. Le meilleur moyen d’être sûr d’avoir des huîtres naturelles, c’est qu’elles soient étiquetées avec le logo des ostréiculteurs traditionnels ou avec la mention « huîtres non triploïdes et nées en mer » comme le développent certains ostréiculteurs.
Il est aussi important de demander à son fournisseur s’il vend des huîtres naturelles ou non car, quelle que soit la réponse, cela montre l’intérêt du consommateur. Il est probable que ce poissonnier ou restaurateur privilégiera peu à peu une huître née en mer, en constatant l’émergence grandissante de la demande.
Des termes utilisés par certains ostréiculteurs peuvent suggérer à tort une origine naturelle des huîtres. Ainsi la mention « pleine mer » veut simplement dire que les huîtres ont été élevées en mer, sans passer par la claire. Elles ne sont donc pas nécessairement nées en mer, elles peuvent tout autant être triploïdes que naturelles. Les entreprises affichant un « savoir-faire depuis plusieurs générations » ou vantant un coquillage « naturellement inimitable », « naturellement iodé », « au goût de la tradition » ou même une « production raisonnée » ne garantissent jamais une origine naturelle des huîtres.
Il ne faut donc se fier qu’aux intitulés clairs comme « huîtres nées en mer » ou « huîtres non triploïdes et nées en mer ».
Les huîtres triploïdes sont elles dangereuses pour la santé ?
Les écloseries ou Ifremer affirment régulièrement que les huîtres triploïdes ne représentent aucun danger pour le consommateur en se basant sur le simple fait que depuis des dizaines d’années, des produits triploïde sont consommés et qu’il n’y a apparemment aucune incidence sur la santé humaine. Il faut savoir que cette affirmation ne se fonde sur aucune recherche.
Aucun élément scientifique ne permet d’affirmer que consommer des organismes rendus triploïdes par l’homme serait sans conséquence sur la santé. Le consommateur devrait avoir le droit de choisir librement de manger ou non de tels aliments. Mais ce droit lui est actuellement retiré, puisqu’aucun étiquetage ni aucune traçabilité ne lui permettent de différencier les huîtres triploïdes des huîtres naturelles.
Leur goût est-il différent que celui de celles nées en mer ?
Pour y répondre, il faut d’abord rappeler que le goût de l’huître née en mer évolue avec les saisons. En fonction des années, la période de reproduction se situe entre le mois de mai et août. Pendant cette période les coquillages deviennent laiteux, ce qui plait moins à une partie des consommateurs. Les huîtres triploïdes produisent quant à elles peu de laitance, ce qui leur permet d’être consommées par plus de consommateurs à ce moment de l’année. Une huître triploïde est élaborée pour avoir un goût constant toute l’année et ne plus connaitre de saisonnalité contrairement à une huître naturelle qui a des textures et des saveurs qui évoluent en fonction des saisons.
C'est quoi, les moules triploïdes ?
Après les huîtres, l’Ifremer a aussi développé des recherches sur les moules triploïdes. Il était prévu que ces moules modifiées soient mises en culture en milieu ouvert par les mytiliculteurs, comme dans le cas des huîtres triploïdes. Mais après la grave crise de mortalité de 2008 impliquant fortement les huîtres triploïdes, les mytiliculteurs alarmés ont refusé catégoriquement la mise en production de la moule triploïde.
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Malgré l’opposition de la profession sur les moules sélectionnées en écloserie, Ifremer a poursuivi ces travaux et a lancé une expérimentation en pleine mer. Aujourd’hui les conchyliculteurs demandent l’arrêt de cette expérimentation et la destruction des lots mis en mer.